Ce chaos qui me dévore…

Depuis quelque temps, je sens un chaos qui me dévore. Une de ces nuits obscures qui vous avale d’un trait et dans laquelle vous avez l’impression de vous noyer.
Et c’est cela, je crois, que je dois faire.

Me noyer. Ne pas lutter.

Couler au fond de mes propres abysses pour y voir ce que je n’ai jamais osé regarder…
Pour aller chercher ce trésor qu’un jour j’ai laissé tomber et que j’ai vu sombrer sans pouvoir tendre les mains pour le rattraper…

Dedans, il y avait ce que j’ai de plus précieux. Mon feu intérieur.

On dit qu’on ne peut jamais l’éteindre, c’est sûrement vrai. Mais on peut très bien l’égarer, l’oublier. Et c’est ce qu’il m’est arrivé.

Un océan de peur nous sépare. Et je suis là, à suffoquer à la surface…

Où ai-je trébuché, en cours de route, pour l’avoir laissé s’échapper ? À quel moment ai-je manqué de force et de courage pour l’avoir lâché ? Quelle est cette tempête qui m’en a délesté ?

Je sais que je dois plonger la tête sous l’eau pour le retrouver… Je suis terrifiée.

L’étendue semble si froide. Je m’agite et ne vois rien. J’ai l’impression que me frôlent des monstres marins… Des charognards de l’ombre qui veulent me dépouiller de mes chairs, de mon coeur, jusqu’à ce que je ne sois plus rien.

Je m’enfonce, dans ce néant pourtant bien rempli… Faut-il que j’accepte de mourir sous ces eaux pour espérer renaître ?

Le ciel s’évanouit, je me retrouve toute seule dans ces ténèbres humides, perdue dans un rideau d’algues et de pensées qui m’empêchent toute clarté…

Je fouille, je tâtonne, gratte le sable et les roches à m’en arracher les ongles, sans rien trouver… 

Je suis loin, si loin sous cette eau glacée… Mes poumons me font mal, j’ai mal de ne plus respirer…

Où es-tu, mon feu sacré ? J’ai besoin de te retrouver.

Pour toi, j’ai bravé les grands fonds, toutes ces failles qui creusent mon intériorité…
Pour toi, j’ai renoncé à mes peurs et j’ai sauté.
Pour toi, je traverse la nuit, sans savoir si au bout, je ressusciterai…

Fais-moi un signe… Guide-moi s’il te plaît… Je sens que bientôt, ma tombe sera faite de toutes ces larmes salées…

J’ai mal… Si mal, de ne plus respirer.

Silence.

Je sens une vibration, quelque chose est en train de m’attirer… C’est puissant, comme deux mains invisibles qui m’agrippent, je ne peux m’en dégager…

Les monstres s’éloignent, leurs dents acérées luisent une dernière fois avant de disparaître… Je ne suis plus leur proie.

Là, sous mes pieds, gît ce petit coffre qu’un jour, j’ai laissé tomber.

Mes poumons vont éclater… Je suis si fatiguée… Ne devrais-je pas plutôt m’endormir ici, à tout jamais ?

Non. Là-haut, il y a la vie, il y a la joie, le Ciel et la promesse d’être enfin Moi !

Un dernier effort. Je prends le coffre, si léger dans mes bras. Ill ne contient que de la Lumière, celle dont j’ai trop longtemps manqué.

Mais je crois que je ne vais pas y arriver…

J’ai mal, si mal de ne pas respirer…

Une brassée puis une autre, je remonte le fil invisible de cette obscurité.

Des méduses tentent une dernière fois de m’entraîner, comme une nuée de doutes, elles essaient de m’enlacer. Mais je n’en ai plus peur, car je t’ai retrouvé…

Et à la surface, dans un grand souffle enfin, je reparais.